mardi 19 août 2014

Fruit de la passion.


C'est en rentrant du jogging que je la vis. Belle, ronde, bien balancée.

Elle était pendue à son arbre. Une belle jeune figue prometteuse. Elle se trouvait à 2 mètres du sol, je n'avais qu'à tendre le bras par dessus le muret de pierre pour la cueillir.
Seulement, sa couleur me disait qu'elle n'était pas prête pour le décrochage.
Alors, je lui lançais un dernier regard, comme un au revoir, avant de rentrer chez moi.

C'était devenu une sorte de rituel. Chaque sortie en short, tout le long de l'été, était comme un rendez vous, je faisais ma grande boucle autour du canal et je terminais à pied en passant sous "mon figuier" pour caresser la belle, la palper. D'ailleurs je ne disais plus "je vais courir" mais " je vais presser ma figue."
C'était devenu ma principale motivation, ce rendez vous bi-hebdomadaire avec ma figue. Je la voyais grandir, se ramollir, "se violacer" de semaine en semaine.

Et puis un jour que je la palpais délicatement, je compris que notre prochain tête à tête serait le BON.

C'était un mercredi, je me souviens. J'avais bien couru, je m'étais préparé à ce moment depuis de longues semaines. Mais, à ma grande surprise elle n'était plus là.

Partie avec un autre.

Je rentrais dépité chez moi.

C'est sans appétit que je me mettais à table, ne touchant rien du repas.
Au dessert, dans un brouillard de pensées tristes et désespérées, j'entendis quelqu'un dire :
"- tiens, j'ai cueilli des figues, y en a juste à coté."

Je regardais le plat frénétiquement à la recherche de "ma" figue. Je ne vis que des figues, toutes semblables, comme des soeurs siamoises.

Alors, m'enfonçant de plus en plus dans la déprime, je tendis le bras jusqu'à la corbeille à fruits, saisissant une banane.

C'était une bonne banane.

vendredi 8 août 2014

Vous êtes mort.


Je regarde, émerveillé, la tête en l'air, le sommet de la grue.

Il y a plus de 300 piafs là haut qui gueulent. Je viens de faire mon jogging de 10 km. Je suis bien. Même pas essouflé.

Toujours la tête en arrière, mes yeux parcourent la barre transversale de la grue. Je lis cette inscription : "42 mètres".

42 mètres.

Imaginons : je suis là, bien. détendu. Presque heureux. Je ne le vois
pas - bien évidemment, c'est impossible- mais mon oeil droit est exactement dans l'axe de l'anus de Piou-piou, là-haut, perché à 42 mètres. Le 85ème tétrapode ailé en partant de la gauche. C'est un étourneau de nos régions, un mâle dans la force de l'âge.
Il se repose là haut à 42 mètres, il est repu et il va se soulager dans une seconde.

La goutte de guano de 8 grammes va parcourir les 42 mètres qui nous séparent, à la vitesse du son et va atteindre, avec l'inertie, un poids de 54KG environ en pénétrant mon oeil droit. Je vais mourir sur le coup. Comme ça. En short. Une tache blanche sur la face. C'est grotesque.

Je pense à des trucs cons, des fois, que je me dis en repartant.

J'ai un peu mal au cou.

Duck.

"Hier, en allant courir, j'ai fait rire un canard."

Mise à mort du cul.


Il ya près de 3000 ans en méso-amérique, chez les mayas, on jouait au Pok-Ta-Pok (sorte de mix football/ basket-ball).
C'est connu, deux équipes s'affrontaient et l'équipe perdante était sacrifiée à Buluc-Chabtan le Dieu de la Mort.
Hier, rentrant de mon yoggine, je passe comme à mon habitude, devant le foot-park (ces petits terrains de foot encagés qui fleurissent un peu partout.) Il y a là 4 gosses qui jouent au -50, un jeu de tir au but qui reste assez obscur pour moi.
Bref....2 équipes de 2 joueurs. Au moment où j'arrive à leur hauteur, le jeu est terminé. Il y en a deux qui s'esclaffent en criant " HA!HA! "BOURRINAGE DE CUL!! BOURRINAGE DE CUL!!!"" . Quelle belle expression.
Interloqué je m'arrête et j'observe.
les deux de l'équipe perdante font face aux cages, les jambes fléchies. Les autres sont derrière à 5 mètres et leur tire des pénots dans l'arrière train jusqu'à ce qu'ils se retrouvent avec des culs de babouins...
"Bourrinage de cul" quel jeu cruel.
Je repars au trot en me disant que là-haut, Buluc-Chabtan le Dieu de la Mort est content. Il aura son lot d'ecchymoses et de sang.

La vipère.



Hier je pars courir.
Au bout de 15 minutes de parcours, j'aperçois à environ 25m, une vipère sur le bord du chemin.

Elle est là, étendue, calme, légèrement sur le bord gauche de la route.
Après avoir hésité entre faire demi-tour ou continuer, je décide de la contourner sur la droite en faisant un large écart dans le fossé.
Elle a beau être petite, je flippe ma race.
Je prends mon courage à deux pieds et j'arrive à sa hauteur à bonne vitesse.
Je pousse un cri pour libérer la tension, une sorte de cri tribal façon la Callas.
Je sais que les vipères n'ont pas d'oreilles, mais je m'en fous.
Je la regarde droit dans les yeux, bien qu'elle en soit totalement dépourvue.

J'identifie instantanément le spécimen : il s'agit d'une vipère-branche morte.
Elles ont la particularité de ne plus du tout bouger une fois tombées de l'arbre. Elles font généralement le bonheur des scouts ou des promeneurs qui s'en servent pour démarrer un bon feu de camp de nos régions. Ou encore, on peut la balancer à un clébard qui la ramènera.

Bref, je crains pas grand chose.

Je m'éloigne en espérant que personne ne m'ait vu et entendu.

Bon point.

"Rien ne sert de courir, il faut permis à points."

Blague runner.


J'ai vu tant de choses que vous, humains, ne pourriez pas croire. De grands navires en feu surgissant de l'épaule d'Orion. J'ai vu des rayons fabuleux, des rayons C, briller dans l'ombre de la porte de Tannhäuser...
Non, en fait j'ai vu un petit lapin sur le bord de la route, il avait l'air appeuré. Il pleuvait et il faisait froid à Joué-lès-Tours, cette nuit là.